mercredi 18 juin 2008

Voulons-nous encore faire la guerre?

Article édifiant du Figaro Magazine par Annet Sauty de Chalon 16/06/2008. Stéréotype des déclinologues de la droite conservatrice (type Alexandre DelValle, Lepen). Un condensé de toute cette régression civilisationnelle contre laquelle je me révolte. C'est à dire, la nostalgie du temps des occupations coloniales, des guerres préventives et de l'asservissement des autres peuples qui sont d'indispensables prix humains et moraaux pour la survie et/ou suprématie de la civilisation occidentale. Bien sur, aucune dimension humaniste ou religieuse n'est présente sauf dans le cadre de la galvanisation des foules afin lutter à mort pour leur salut. (notre fanatisme serait ici donc plus "licite" que celui de nos voisins!).
Une "pensée" totalitaire, violente, militariste, exclusiviste, machiste, xénophobe et raciste, terreau des sombres heures de l'Europe.
Effrayant!
La France renforce sa présence en Afghanistan, mais, contraintes budgétaires obligent, resserre le dispositif de ses armées. Au-delà, il s’agit d’évaluer notre aptitude au combat.
Avant 1989, le monde libre identifiait une menace à la frontière ; depuis le 11 Septembre, il n'y a plus de frontière à la menace ! Certes, l'Occident se trouve seul en mesure de projeter partout sa puissance de feu. Mais si un tel atout, nucléaire ou classique, reste adapté à des périls bien réels, il devient aussi dissuasif qu'une ligne Maginot quand l'ennemi se confond avec son milieu. Or, la « dimension sociale » des conflits, souligne le géopoliticien Gérard Chaliand (1), devient prépondérante.

Déjà, les masses du Sud sont dopées par une mémoire anticoloniale victorieuse. « Avant la Seconde Guerre mondiale, observe Chaliand, les troupes européennes peu nombreuses l'emportaient sur des armées locales considérables ; dé sormais, des armées européennes nombreuses ne parviennent pas à réduire des guérillas aux effectifs limités » (2), et ce, malgré des dépenses mili taires faramineuses. L'argent ne sera pas le nerf de cette guerre : une spirale perverse dessine même « le spectre d'une strangulation financière du Fort, asphyxié au fil du temps par la rusticité du Faible », comme le remarquent Arnaud de La Grange, grand reporter au Figaro, et Jean-Marc Balencie, un spécialiste des questions stratégiques (3).
Les guerres asymétriques sont en fait beaucoup moins inégales qu'il n'y paraît. Comme le Faible ne s'avoue jamais vaincu, tout conflit dégénère en guerre d'usure. Et, dans cette « drôle » de guerre, le Fort devient captif de son opinion publique. Les pays de l'Otan tous ensemble perdent chaque année quelque 200 soldats, et cela est vécu comme un drame ! Le monde européen, il est vrai, ne représente plus que 15 % de la planète, contre 30 % avant 1940 : quand on a peu d'enfants, on tient d'autant plus à leur vie.
De surcroît, la spécialisation du métier des armes engendre ce que l'historien Stéphane Audouin-Rouzeau appelle « une démilitarisation profonde de nos sociétés ». (4) Or, bien plus que « la continuation de la politique par d'autres moyens » (Clausewitz), la guerre est un « acte culturel » par lequel un peuple se perpétue pour ne pas sortir de l'Histoire. Ainsi, que l'on n'ait pas su, en 1991, combien de soldats irakiens avaient péri sous le feu de l'offensive américaine constitue, pour Gérard Chaliand, « le signe d'une mutation de la sensibilité occidentale, qui ne peut plus supporter les pertes infligées à l'ennemi ». En refoulant « le plaisir de tuer et de détruire » (Norbert Elias), nos sociétés ne s'exposent-elles pas à l'instinct d'expansion des peuples féconds ?

Chez nous, cette vulnérabilité née du traumatisme de la der des ders tient à l'ébranlement de tout un édifice. Dans la famille, le père est périmé, de même qu'à l'école, l'obéissance au maître. Un rousseauisme maternant domestique très tôt l'agressivité naturelle. Le curé, autre image du pater, devient animateur social. L'Eglise-ONG, en canalisant les consciences sur les fins en soi du « dialogue » et de « l'accueil », les anesthésie par une rhétorique désarmante. Le sacré, dans sa beauté irradiante, situait la hauteur de l'enjeu dans l'au-delà. Jusqu'à la mort, le croyant ne devait jamais cesser le combat pour espérer le salut. La perte du sens tragique, aujourd'hui, est amplifiée par le dieu Télévision, lequel nous divertit, c'est-à-dire nous détourne de nous-mêmes. Le tsunami consumériste emporte des générations entières dans une insouciance d'adolescent. La sous-culture de masse déracine le génie propre : on ne participe plus à son histoire ; on la conserve au musée.
Sur le front économique, l'obsession du risque zéro, le culte du temps libre, l'emploi protégé et la lourdeur étatique torpillent la volonté de gagner, sans oublier l'écologisme qui fait de notre modèle dominant une nuisance pour l'humanité. La mondialisation, vue comme une agression, provoque une crispation sur le pré carré local, à l'image de l'engouement pour les Ch'tis. En fait, le dessein intelligent de l'histoire collective est enterré, au profit de mémoires particulières. La patrie rime avec extrémisme ; la repentance postule la honte et la haine de soi. Un néant se forme qui s'incarne aussi dans la dilatation de l'espace européen, où toute épopée nationale est rendue inintelligible.
L'abandon du service militaire aggrave le décrochage. Quant à l'oxymore « soldat de la paix », sans champ de bataille ni champ d'honneur, il ne sublime pas les cSurs. Qui peut vibrer pour des principes kantiens ? Les ambitions inassouvies trouvent un exutoire dans le stade, seul lieu autorisé pour agiter le drapeau. Pour ce qui est des banderoles... Enfin, le morcellement ethnique rétrécit l'horizon : les « quartiers » remplacent le territoire. N'y pénètre pas qui veut. Cette nouvelle donne hypothèque toute union sacrée autour d'un idéal à la fois supérieur et commun. Tirer les leçons du conflit libanais ou balkanique paraîtrait nécessaire.

Plus globalement, la réalité impose une réflexion sur la « fragilité métaphysique » de la démocratie, « mécanisme corrosif qui n'a plus de limites ni de fin » aux yeux du philosophe André Grjebine (5). Ancrées dans un passé mythifié ou une Révélation, luttant pour leur survie, les « sociétés fermées » du Sud sont aptes au combat. Saurons-nous leur répondre ?

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