jeudi 16 octobre 2008

La surréaction des politiques aux sifflets du match France-Tunisie.

Edito politique sur France Inter de Thomas Legrand u 16/10/08.

Nombreuses réactions politiques hier après le match France-Tunisie au cours duquel la Marseillaise a été sifflée.
On se souvient que Nicolas Sarkozy avait été choqué -il l'avait dit- par la timidité de la réaction des ministres quand il y avait eu pareille bronca, lors de précédents France-Algérie et France-Maroc. Du coup, la journée d'hier s'est déroulée dans la démesure et la sur-réaction - ça n'a été qu'une série de surenchère de déclarations outragées de ministres et de parlementaires, qui s'enveloppaient dans le drapeau tricolore pour bien se mettre sur la longueur d'onde du coup de menton présidentiel. Ça commençait par le premier ministre qui regrettait que le match n'ait pas été annulé. Puis, il y a eu la convocation à l'Elysée du Président de la fédération française de foot et du couple Bachelot-Laporte. Dans l'après-midi, emportée par l'émotion, Roselyne Bachelot se prenait pour l'écrivain nationaliste Paul Déroulède allant jusqu'à dire qu'il n'y aurait plus de match contre les pays « responsables »... avant de se reprendre ! Un peu plus et madame Bachelot allait convoquer l'ambassadeur de Tunisie, dès l'aube au jardin du Luxembourg, pour un duel au sabre qui laverait l'affront ! La palme du commentaire insensé revient sans doute au député UMP Lionel Lucas : « quand on a la chance d'avoir été accueilli dans un pays qui vous permet d'avoir le ventre bien rempli, on le respecte. Tous ceux qui ont sifflé devraient faire leur valise.» Si on veut que toutes les Marseillaises de tous les matchs soient désormais sifflées, on ne peut pas mieux s'y prendre ! La ministre de l'intérieur promettait aussi de retrouver les coupables ! Les coupables d'avoir sifflé ! Dans la soirée, plusieurs membres du gouvernement qui s'étaient rendus compte du ridicule des réactions mettaient des bémols aux projets d'annulation de matchs. Tout ce tintouin cocardier faisait bien trop d'honneur aux quelques milliers de supporters abrutis. La première réaction de Bernard Laporte (avant l'étranglement de colère patriote obligatoire) avait pourtant sans doute été la bonne. Il avait dit qu'il serait ridicule de ne pas jouer contre certains pays mais qu'il fallait jouer les matchs en province, dans des petits stades de 20.000 places.

Ce serait donc une question de malaise des jeunes issus de l'immigration, notamment ceux de Seine-Saint-Denis, là où se trouve le stade de France ? Il ne s'agit pas de trouver d'excuses à ces sifflets qui n'avaient rien à voir avec un quelconque refus libertaire du nationalisme. C'était soit de la pure bêtise de foule (la pire) soit la manifestation hostile d'un autre nationalisme, celui qui reflète un repli communautaire, un nationalisme de sa propre origine contre le nationalisme du pays qui est le sien maintenant. Bon, mais une fois que l'on s'est bien indigné, une fois qu'on interdit des matchs, on s'est soulagé et on a cassé le thermomètre. Alors, on pourrait se poser quelques questions. Ce qui est lassant c'est qu'on redécouvre la lune à chaque fois. Alors allons-y... un sentiment d'isolement dans des cités lointaines et hors d'accès, une discrimination à l'embauche, à l'accession au logement, un chômage récurent, bref une vie de ghetto sans perspectives. Seulement, il se trouve que la remise en cause des ghettos n'est plus au goût du jour. La politique sensée favoriser une mixité sociale semble en panne. Hier, au Parlement, lors des questions au gouvernement, le moment où le sujet qui nous intéresse a vraiment été traité, n'est pas le moment où madame Bachelot s'est dressée pour sauver la patrie outragée. Mais c'est un peu plus tard, quand Jean-Christophe Lagarde, maire centriste de Drancy, a demandé au gouvernement de revenir sur son projet d'assouplissement de la loi SRU, cette loi qui oblige chaque ville à avoir au moins 20% de logement sociaux.

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