samedi 23 janvier 2010

Chronique n°3: Notre Histoire n'est pas aussi blanche qu'elle n'y parait!

Quand on a posé la première pierre de la mosquée de Paris, le maréchal Lyautey a fait un très beau discours. Il a déclaré :
« Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »

Chronique n°2: Notre Histoire n'est pas aussi blanche qu'elle n'y parait!

Mme Assia Djebar, ayant été élue par l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de M. Georges Vedel, y est venue prendre séance le jeudi 22 juin 2006, et a prononcé le discours suivant (extrait de la conclusion du discours):

(...)Dès l’âge de mes quinze ans, j’ai adhéré à une conception fervente de la littérature. « J’écris pour me parcourir » disait le poète Henri Michaux . J’ai adopté, en silence, cette devise.

(...)Dire, sans grandiloquence, que mon écriture en français est ensemencée par les sons et les rythmes de l’origine, comme les musiques que Bela Bartok est venu écouter en 1913, jusque dans les Aurès. Oui, ma langue d écriture s’ouvre au différent, s’allège des interdits paroxystiques, s’étire pour ne paraître qu’une simple natte au dehors, parfilée de silence et de plénitude.

Mon français s’est ainsi illuminé depuis vingt ans déjà, de la nuit des femmes du Mont Chenoua. Il me semble que celles-ci dansent encore pour moi dans des grottes secrètes, tandis que la Méditerranée étincelle à leurs pieds. Elles me saluent, me protègent. J’emporte outre Atlantique leurs sourires, images de « shefa’ », c’est-à-dire de guérison. Car mon français, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles.

Mesdames et Messieurs, c’est mon vœu final de « shefa’ » pour nous tous, ouvrons grand ce « Kitab el Shefa’ » ou Livre de la guérison (de l’âme) d’Avicenne/Ibn Sina, ce musulman d’Ispahan dont la précocité et la variété prodigieuse du savoir, quatre siècles avant Pic de la Mirandole, étonna lettrés et savants qui suivirent...

Je ne peux m’empêcher pour conclure, de me tourner vers François Rabelais, « le grand traverseur des voies périlleuses », comme l’appelle François Bon-Rabelais donc qui, à Montpellier, pour ses études de médecine, dut se plonger dans ce Livre de la guérison. Dans sa lettre de Gargantua à Pantagruel, en 1532, c’est-à-dire un siècle avant la création de l’Académie par le cardinal de Richelieu, était déjà donné le conseil d’apprendre « premièrement le grec, deuxièmement le latin, puis l’hébreu pour les lettres saintes, et l’arabe pareillement. » Gargantua ajoutait aussitôt au programme : « du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes ».

C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs, j’imagine qu’en ce moment, au dessus de nos têtes, François Rabelais dialogue dans l’Empyrée avec Avicenne, tandis que je souris, ici au Doyen Vedel auquel grâce à vous, aujourd’hui, je succède.

Chronique n°2 de la "Parole Libérée" ou du gros rouge qui tache le drapeau!

Estrosi, le poivrot niçois et l'identité allemande de l'entre deux guerres ou quand la maladresse et l'ignorance aboutissent à l'indécence crasse!

Christian Estrosi, le 26 novembre, a déclaré : "Si, à la veille du second conflit mondial, dans un temps où la crise économique envahissait tout, le peuple allemand avait entrepris d'interroger sur ce qui fonde réellement l'identité allemande, héritière des Lumières, patrie de Goethe et du romantisme, alors peut-être, aurions-nous évité l'atroce et douloureux naufrage de la civilisation européenne.") En manifestant d'ailleurs une ignorance de l'histoire tout à fait extraordinaire. Car la réalité de l'histoire allemande de l'entre-deux-guerres, c'est que ce n'était pas qu'un débat sur l'identité nationale. La différence était que les nazis étaient vraiment antisémites. Ils y croyaient et ils l'ont montré. La France n'est pas du tout dans ce schéma.


Poutant, il a bien eut lieu ce débat identitaire, et il a aboutit à la Nuit de Cristal!
Demandez aux Juifs survivants , ils vous diront ce à quoi peut tendre un débat sur l'identité d'un peuple, d'une nation, d'une race. quand on ne sait plus de quel artifice jouer pour rassembler ses concitoyens à la veille d'élections et lui cacher son propre echec politique.
No Comment!



chronique n°1: Notre Histoire n'est pas aussi blanche qu'elle n'y parait!

vendredi 22 janvier 2010

RAYHANA AGRESSÉE : UNE FÉMINISTE QUI DÉRANGE ?

Une comédienne d'origine algérienne Rayhana, connue pour son franc-parler et ses convictions libertaires a été agressé mardi 15 Janvier par des hommes qui lui ont jeté de l'essence et un mégot de cigarette en pleine face. lire la news sur ParisMatch.fr.

La condamnation et la médiatisation de ce fait ont été quasi confidentielles, quand on sait comment, si l'artiste avait été d'une autre religion ou culture, la victime aurait pu devenir un symbole national. Que sont devenus nos célèbres "intellectuels" aux plaintes coordonnées avec leurs sorties de leurs livres, garants de notre morale républicaine?
Moraliste à la carte, BHL ets plus en verve pour défendre son ami cinéaste pédophile. Le snobisme absolu du bobo parisien.
Ce qui m'étonne le plus c'est que les islmaophobes à la gachette facile, n'aient pas tiré à vue ni sur ces terroristes, ni en les amalgamant avec les integristes , comme à l'accoutumée, les français musulmans.
J'ai une petite idée: Rayhana nous indique aujourd'hui sur RMC dans l'emssion "La grande gueule du jour", qu'elle est opposée, toute féministe qu'elle est à une loi contre la burqa ( inutile, risque de stigmatisation de l'ensemble musulman et d'exclusion de la minorité integriste).

On peut risquer sa vie encore à Paris pour ses idées!
Rayhana, dont ses premiers partenaires de théatre ont été assassinés en Algérie se pensait être en sécurité en France.
Sa pièce, "A mon âge, je ma cache encore pour fumer" est une tragi-comédie qui rassemble neuf femmes d’âges et de conditions différentes dans un hammam à Alger, à la fin des années noires.
Très engagée, drôle et intelligente, c 'est une introspection culurelle, une critique sévère des archaïsmes sociaux au Maghreb:

Dans l’intimité de cet espace protégé de l’extérieur, les regards et les points de vue se croisent, dans le dévoilement violent, ironique, drôle et grave des silences refoulés de femmes qui se sont tues trop longtemps. Peu à peu se révèlent leurs destins particuliers, à travers des histoires qui ont marqué et modelé leur chair, dévoilant progressivement la violence politique, sociale et sexuelle d’une Algérie en proie à la corruption et à la misère. Un enfant s’apprête à venir au monde et toutes, par instinct et nécessité, se lèveront pour protéger et défendre cet être nouveau, symbole de leur foi inébranlable en l’avenir. Neuf femmes, neuf destins entre rébellion, rêve ou soumission, réunis au coeur de la matrice, le Hammam, où le combat se panse entre secrets et exaltation, pleurs et fous rires.

Pour regarder la vidéo de présentation cliquez sur le lien ci-dessous
www.visioscene.com



jeudi 21 janvier 2010

La servitude volontaire, vue par La Boetie.

Le maître …..” n’a de plus que les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire”
Discours de la Serviture Volontaire, La Boetie. (cliquer pour lire un extrait)

Quel Islam pour quelle République?

Ce post tente d'apporter un regard plus pragmatique et moins passionnel sur les français musulmans.
Il tente de montrer aussi comment la stigmatisation des musulmans et la manière dont on confond les integristes avec la majorité immense des modérés est une ignorance, une peur et contre productif.

Cet amalgame est même une insulte à la sécularisation de l'Islam en France, des citoyens de cette confession présents depuis déjà un siècle.

C'est un dénigrement du "Pacte Républicain", de notre laïcité et l'adhésion qu'elle sucite de la part de tous nos citoyens.
Carrés musulmans dans les cimetières, construction de mosquées, aumoniers musulmans.... Ne sont-ils pas des preuves irréfutables d'intégration à une nation, une terre, une société?
Un enracinement au sens premier?

Maurras nous disait bien définir ce qu'était un Juif, dans une citation, en comparant sa difficulté à définir le capitalisme.
L'extrème droite, et toutes les droites rassemblées ( le FN s'étant dissout dans l'UMP), n'ont toujours pas changé:
Nous voyons bien aujourd'hui qu'ils savent ce qu'est un Musulman:
Un bon musulman est un indigène totalement désintegré de ses racines cultuelles ou culturelles et qui se sont totalement dissolues dans nos coutumes. Un bon musulman, ne pratique plus, mange du porc et boit de l'alcool. Met un béret à l'endroit et non une casquette à l'envers...
Cela n'est pas notre principe de laïcité ni de République.

Les autres musulmans sont donc tous des integristes et représentent une menace potentielle pour le pays.
Le simple fait d'aller à la mosquée devenant un signe de mauvaise integration à notre "civlisation" et nuit à notre identité française...
Ce qui est aussi contraire à nos principes républicains.

Pire,
l'assimiler à l'intégriste, c est assmiler l'intégriste et le légitimer.
Le seul Islam existant, n'etant plus que celui de la burqa, des écoles et piscines séparées. Cela légitme toute approche sectaire et groupusculaire. Cet Islam integriste devenant le seul interlocuteur "musulman" face à l'Etat. Toute loi devenant alors des fatwas, decrets religieux, à son egard ou à son encontre...
Le regard exclusiviste de la droite et d'une certaine gauche ultralaïcarde, est un terreau formidable pour les salafistes. Leur audience dans nos médias croit sans cesse. Car il n'y a dans les débats sur le sujet aucune nuance ni contradiction possible entre des athés ou apostats de l'Islam et les islamistes. Caroline Fourest l'a dénoncé suite à sa confrontation télévisuelle avec Tarik Ramadan.
Civilisation de la Peur.
Mal congénital des conservateurs.

Voici la contribution très eclairante sur ce fait par Dounai Bouzar publiée par LeMonde.fr en décembre 2009:

Le débat sur la burqa est en train de donner du pouvoir principalement à deux groupes : ceux qui la prônent et ceux qui veulent éradiquer l'islam.

Ceux qui la prônent jubilent puisque le débat public est en train de valider leur justification en tant que musulmans... Au lieu de désamorcer leur autorité en les traitant comme de simples groupuscules sectaires qui instrumentalisent la religion auprès de jeunes qui ne la connaissent pas, les voilà promus comme "musulmans", et même plus, comme "musulmans fondamentalistes", comme si les fondements de l'islam consistaient à enfermer les femmes dans un drap noir ! Ceux qui veulent éradiquer l'islam jubilent puisque la preuve est ainsi faite : cette religion est définitivement archaïque.
Il existe bien un monde bipolaire avec d'un côté l'Occident, qui a inventé la modernité, et de l'autre côté le monde arabo-musulman, qui serait par essence incapable de produire la moindre lumière... De manière générale, la burqa vient renforcer toutes les représentations négatives sur l'islam... Et les musulmans dans leur entité sont pris la main dans le sac : on savait bien que votre Coran fourmillait de trucs ignobles sur les femmes ! Cela permet de glisser de la peur de l'islamisme à la peur de l'islam assumée.

Tous les démocrates se retrouvent coincés entre deux terreurs intellectuelles : celle des intégristes et celle de ceux qui invoquent le danger des intégristes, en évitant tout sens critique. Plus précisément, les démocrates de référence musulmane, pratiquants ou non, croyants ou non, ne savent plus comment se positionner. Face aux amalgames entre le port du foulard et celui d'une burqa, face à l'interdiction des minarets en Suisse, face aux multiples manifestations de rejets inimaginables, il y a encore quelques mois, comment faire pour prendre place dans ce débat sans tomber dans la diabolisation ou l'apologie de l'islam ?

La culture est contagieuse

Continuer ainsi à accuser les musulmans de France de ne pas faire partie de l'identité nationale, c'est avant tout ne pas faire confiance au système français ! Comment peut-on penser qu'un jeune qui a grandi depuis l'école maternelle avec Elisabeth qui ne croit pas en Dieu, avec David qui est juif et avec Marie qui est catholique, garde la même vision du monde que son cousin qui ne fréquente que des personnes qui lui ressemblent ? Ou pire, se sente proche d'Al-Qaida ? L'intégrisme n'est pas héréditaire. Et la culture est contagieuse. On regarde tous les mêmes films, on écoute tous la même musique.

Les musulmans n'aiment pas la France par hasard. Ils l'aiment parce que des hommes se sont battus pour la liberté, parce que certains sont morts pour la démocratie, parce des femmes ont lutté pour leurs droits... Et aussi pour la laïcité, qui permet à chacun de croire, de croire en ce qu'il veut, ou de ne pas croire. Et qui a décidé, un beau jour de 1905, que plus jamais personne ne pourrait décider qu'une vision du monde est supérieure à une autre...

Cette pensée unique qui existe encore dans bien des pays qui ne sont ni démocratiques ni laïques. C'est par fidélité à l'histoire française que les musulmans aiment la France. Et ils seraient très déçus si d'autres Français trahissaient cette histoire pour revenir au temps du roi, où il fallait être de sa religion pour être son sujet...

Douia Bouzar sur Lemonde.fr est anthropologue, chercheuse associée au cabinet d'études Cultes & Cultures Consulting, ancien membre du Conseil français du culte musulman (CFCM).

Chronique n°1 de la "Parole Libérée" ou du gros rouge qui tache le drapeau!

Gaudin le minot poivrot, et les "musulmans" qui "déferlent" avec le drapeau algérien sur la Canebière!

Premier post d'une chronique qui pourrait devenir à mon regret quotidienne, tant le débat sur l'identité nationale a libéré la parole. Le racisme ordinaire suinte de toute part et ne choque plus personne.

Les élites, s'approprient la parole des poivrots, le language de la rue, de la pensée honteuse et cachée (ou ne nous livrent-il pas leur misérables réalités intellectuelles et morales?).
Enfin! elles parleraient comme la "France d'en bas".

Dernier degré du populisme. Fin du politique. Fin de notre Histoire?

Transformée par Jean-Claude Gaudin, maire et sénateur UMP de Marseille, vendredi 15 janvier, en un "déferlement" de milliers de "musulmans".
"Nous nous réjouissons que les musulmans soient heureux du match, sauf que quand après ils déferlent à 15 000 ou à 20 000 sur la Canebière, il n'y a que le drapeau algérien et il n'y a pas le drapeau français, cela ne nous plaît pas", a-t-il déclaré lors d'une réunion que son parti organisait sur l'identité nationale.

Des algériens ou français d'origine algérienne manifestent leur joie! Cela arrive aussi bien aux portugais, italiens, espagnols (ou d'origine) comme pour les français à l'étranger en Coupe du Monde ,rappelez-vous chaque match en 98!

Gaudin parle comme sous la IV e république, quand il dit "musulmans" au lieu de français d'origine algérienne. C'est bien le vocabulaire de la France coloniale pour désigner les indigènes, ces autres...
Parle-t-on de "chrétiens" lors des débordements avec le PSG?
Quand c'est l'équipe d'Algérie qui bat celle d'Egypte à Kartoum, je ne vois pas en quoi le drapeau français serait impliqué...
Enfin,
moi, "bon francais", je serai interdit de supporter une équipe d une autre nation ou un club hors de ma ville ou mon pays( Barca, Real Madrid?)
Ah 1998, la victoire de l'équipe de France en coupe du monde, et ce million de blancs catholiques qui déferlait sur les Champs-Elysées...

Qui sont les machos? Un autre regard sur notre identité!

A ces français, champions pour juger les autres pays ou cultures ou religions...petite appartée pour rappeler le pays exemplaire que nous sommes:
Inégalités salariales et de responsabilités des femmes en politique et en entreprise, insuffisance de la protection des femmes battues (une meurt tous les 3 jours!), sondage stupéfiant de la répartition des taches ménagères dans les foyers(80% des taches faites encore par les femmes), le retour de la fessée à l'école, l'interdiction aux filles d'etre "enfants de coeur" dans certaines eglises, le contrôle d'identité systématique des gens de couleurs...).
il est bien facile de faire la leçon aux autres....

Causeuse Musulmane, LE blog d'une française qui bouscule, réconcile et avance!

Première fois que je publie un post pour ne citer qu'un blog, Causeuse Musulmane!
Car je n'ai jamais trouvé un blog aussi eclectique sur les cultures méditerranéennes, la France, son Histoire, son présent, son avenir, ses identités.
Identités en crescendo, multiples, j'aime ce regard d'une femme engagée, libre, intègre, sans concession.
Une lumère dans cette médiocrité ambiante actuelle, cette désintegration cultuelle et culturelle, cette haine qui résulte d'une peur instrumentalisée.
Un espoir pour se réaproprier ses identités mutltiples, envisager ses concitoyens avec confiance et fierté.
Merci!

Sarkozy et la haine de l'autre par Emmanuel Todd

Extraits de l'interview d'Emmanuel Todd publiée par lemonde.fr sur sa position concernant le débat sur l'identité nationale:

Quelle est votre analyse des enjeux de ce débat ?
Le Front national a commencé à s'incruster dans le monde ouvrier en 1986, à une époque où les élites refusaient de s'intéresser aux problèmes posés par l'intégration des populations immigrées.
On a alors senti une anxiété qui venait du bas de la société, qui a permis au Front national d'exister jusqu'en 2007. Comme je l'ai souligné dans mon livre, Le Destin des immigrés (Seuil), en 1994, la carte du vote FN était statistiquement déterminée par la présence d'immigrés d'origine maghrébine, qui cristallisaient une anxiété spécifique en raison de problèmes anthropologiques réels, liés à des différences de système de moeurs ou de statut de la femme. Depuis, les tensions se sont apaisées. Tous les sondages d'opinion le montrent : les thématiques de l'immigration, de l'islam sont en chute libre et sont passées largement derrière les inquiétudes économiques.

La réalité de la France est qu'elle est en train de réussir son processus d'intégration. Les populations d'origine musulmane de France sont globalement les plus laïcisées et les plus intégrées d'Europe, grâce à un taux élevé de mariages mixtes. Pour moi, le signe de cet apaisement est précisément l'effondrement du Front national.

On estime généralement que c'est la politique conduite par Nicolas Sarkozy qui a fait perdre des voix au Front national...?
Les sarkozystes pensent qu'ils ont récupéré l'électorat du Front national parce qu'ils ont mené cette politique de provocation, parce que Nicolas Sarkozy a mis le feu aux banlieues, et que les appels du pied au FN ont été payants. Mais c'est une erreur d'interprétation. La poussée à droite de 2007, à la suite des émeutes de banlieue de 2005, n'était pas une confrontation sur l'immigration, mais davantage un ressentiment anti-jeunes exprimé par une population qui vieillit. N'oublions pas que Sarkozy est l'élu des vieux.


Comment qualifiez-vous cette droite ?
Je n'ose plus dire une droite de gouvernement. Ce n'est plus la droite, ce n'est pas juste la droite... Extrême droite, ultra-droite ? C'est quelque chose d'autre. Je n'ai pas de mot. Je pense de plus en plus que le sarkozysme est une pathologie sociale et relève d'une analyse durkheimienne - en termes d'anomie, de désintégration religieuse, de suicide - autant que d'une analyse marxiste - en termes de classes, avec des concepts de capital-socialisme ou d'émergence oligarchique.

Le chef de l'Etat a assuré qu'il s'efforçait de ne pas être "sourd aux cris du peuple". Qu'en pensez-vous ?
Pour moi, c'est un pur mensonge. Dans sa tribune au Monde, Sarkozy se gargarise du mot "peuple", il parle du peuple, au peuple. Mais ce qu'il propose aux Français parce qu'il n'arrive pas à résoudre les problèmes économiques du pays, c'est la haine de l'autre.
L'habileté du sarkozysme est de fonctionner sur deux pôles : d'un côté la haine, le ressentiment ; de l'autre la mise en scène d'actes en faveur du culte musulman ou les nominations de Rachida Dati ou de Rama Yade au gouvernement. La réalité, c'est que dans tous les cas la thématique ethnique est utilisée pour faire oublier les thématiques de classe.

Représentation de l'Islam en France, par Dounia Bouzar

Quelques extraits du Chat sur le site Lemonde.fr du 19.01.2010:

(...)Le meilleur acte politique, ce serait, dans la vie de tous les jours, d'appliquer les mêmes lois aux citoyens musulmans qu'aux autres. De nombreuses occasions se présentent tous les jours. Mais le problème est que les musulmans sont considérés comme très différents par nature, et du coup, on ne les traite pas comme les autres, dans les deux sens : soit on accepte d'eux des choses qu'on n'accepterait pas d'autres, soit ils sont diabolisés et discriminés.
C'est aux citoyens français d'être clairs. Soit on applique la loi de 1905 et on dit : on est un système laïque au sens de la loi : la République garantit la liberté de croire et de ne pas croire. Il ne faut plus être de la religion du roi pour être sujet du roi. Donc aucune vision du monde n'est supérieure à une autre. Dans ce cadre, on peut être 100 % français, de culture française d'ailleurs, et musulman, bouddhiste, juif ou chrétien.

Soit on décide qu'il faut être encore d'une seule religion ou athée pour être français, on dit clairement qu'on est restés catholiques, et on abroge la loi de 1905. Il y a un choix à faire. On ne peut pas continuer à dire qu'on est laïque si on continue à obliger les gens à être soit athées, soit catholiques. En revanche, il faut les éduquer à respecter la vision du monde des autres et à ne pas imposer la sienne propre, ce qui n'est jamais fait. Par exemple si on accepte que quelqu'un ne mange pas de viande, on l'habitue à manger avec Elisabeth qui, elle, mange du porc.

Je suis persuadée que la meilleure façon de respecter les musulmans, si c'est votre souhait, c'est de traiter Hamid comme Jean-Pierre, et Mona comme Martine. C'est-à-dire éviter d'appliquer des critères différents en pensant que "chez eux, c'est comme ça". Parce qu'on ne rencontre jamais des religions, on ne rencontre jamais des cultures, on rencontre des êtres humains qui se sont approprié différents éléments qu'ils interprètent eux-mêmes et qui bougent. La meilleure marque de respect, c'est de laisser la personne se définir elle-même. Et un autre détail important : l'islam ne parle pas, je veux dire que le Coran est un texte sacré pour les musulmans, mais il faut se souvenir que les interprétations sont toujours humaines.

Cela veut dire que quand je grandis à New York, à Rabat ou à Paris, si je suis analphabète ou si je n'ai bac + 10, quand j'ouvre mon Coran, je ne comprends pas la même chose, je comprends ma religion à partir de ce que je suis. Si j'ai grandi depuis l'école maternelle avec Elisabeth qui ne croit pas en Dieu, avec David qui est juif et avec Marie qui est catholique, je comprends mon texte d'une autre façon.

Alexandre: Ne pensez-vous pas que la peur actuelle de l'islam, peur que l'on découvre ou qui résulte du débat lancé par le gouvernement, provient plus de l'ignorance que d'une réalité? Plutôt que de débattre, ne faudrait-il pas que le gouvernement ou des représantants des divers courants de l'islam présent en France mettent en place des moyens "d'éducation" afin de mieux faire connaître l'islam, tant aux autres religions qu'aux musulmans de France eux-mêmes ?

C'est vrai que c'est scandaleux de voir que les livres d'histoire de l'éducation nationale continuent à faire des encadrés avec des stéréotypes sur la polygamie ou le djihad, validant ainsi l'interprétation d'intégristes. Mais au-delà de l'ignorance, je crois qu'il y a aussi une difficulté à penser qu'on peut être à la fois croyant-pratiquant et utiliser la raison. Cela semble incompatible aux yeux de beaucoup de citoyens.

Nawfel : pourquoi le sujet de l'islam devient il récurent à chaque période où la France se trouve en crise ?

Parce que c'est une façon de faire l'économie des remises en question sociales et politiques. En disant que les gens ont une autre culture ou que c'est à cause de la religion, on ne parle pas des discriminations, par exemple, ou même de la perte d'espoir social. Cela s'appelle diviser pour régner.

André : Il est évident qu'il est de plus en plus difficile de s'affirmer en tant que musulman, mais paradoxalement, je pense que sans cette difficulté, il n'y aurait pas de reconnaissance ad hoc de cette communauté.

Déjà je ne pense pas qu'il y ait une communauté musulmane en France, il y a des citoyens français de confession musulmane qui ont écouté les mêmes musiques, qui ont regardé les mêmes films, c'est-à-dire qui sont vraiment de culture française, mais qui ont besoin de leur religion. Est-ce qu'ouvrir l'abcès aide à avancer ? Je pense que cela dépend si l'on fait penser les gens ou si l'on veut enfermer une partie d'entre eux dans une pseudo-étrangéité.

Je pense que si on ne fait rien, cela veut dire que dans cinq ans, quand on verra un drap noir, on va se dire : tiens, voilà une musulmane. Ce qui m'embête, comme vous l'avez dit, c'est que des groupuscules veulent faire passer le drap noir pour une simple application de l'islam. Donc respecter l'islam, savoir que ce n'est pas une religion archaïque, c'est s'arrêter, c'est être choqué, c'est interroger, c'est se poser des questions. En même temps, si l'on fait une loi en parlant de laïcité, là aussi, on donne du pouvoir à ces groupuscules, parce qu'on traite leur comportement comme s'il était religieux. Donc on valide leur interprétation.

Je trouve intéressant la position des Belges qui a été de dire à tous les citoyens : on ne peut pas se masquer quand ce n'est pas carnaval, car chaque visage est différent et différenciable, chaque être humain a des contours identitaires, et c'est un règlement transversal qui s'applique à tous les Belges. On parle comme si ce n'était pas religieux.

L'identité par Amine Maalouf

L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence.
Amin Maalouf (Les Identités meurtrières)