jeudi 21 janvier 2010

Quel Islam pour quelle République?

Ce post tente d'apporter un regard plus pragmatique et moins passionnel sur les français musulmans.
Il tente de montrer aussi comment la stigmatisation des musulmans et la manière dont on confond les integristes avec la majorité immense des modérés est une ignorance, une peur et contre productif.

Cet amalgame est même une insulte à la sécularisation de l'Islam en France, des citoyens de cette confession présents depuis déjà un siècle.

C'est un dénigrement du "Pacte Républicain", de notre laïcité et l'adhésion qu'elle sucite de la part de tous nos citoyens.
Carrés musulmans dans les cimetières, construction de mosquées, aumoniers musulmans.... Ne sont-ils pas des preuves irréfutables d'intégration à une nation, une terre, une société?
Un enracinement au sens premier?

Maurras nous disait bien définir ce qu'était un Juif, dans une citation, en comparant sa difficulté à définir le capitalisme.
L'extrème droite, et toutes les droites rassemblées ( le FN s'étant dissout dans l'UMP), n'ont toujours pas changé:
Nous voyons bien aujourd'hui qu'ils savent ce qu'est un Musulman:
Un bon musulman est un indigène totalement désintegré de ses racines cultuelles ou culturelles et qui se sont totalement dissolues dans nos coutumes. Un bon musulman, ne pratique plus, mange du porc et boit de l'alcool. Met un béret à l'endroit et non une casquette à l'envers...
Cela n'est pas notre principe de laïcité ni de République.

Les autres musulmans sont donc tous des integristes et représentent une menace potentielle pour le pays.
Le simple fait d'aller à la mosquée devenant un signe de mauvaise integration à notre "civlisation" et nuit à notre identité française...
Ce qui est aussi contraire à nos principes républicains.

Pire,
l'assimiler à l'intégriste, c est assmiler l'intégriste et le légitimer.
Le seul Islam existant, n'etant plus que celui de la burqa, des écoles et piscines séparées. Cela légitme toute approche sectaire et groupusculaire. Cet Islam integriste devenant le seul interlocuteur "musulman" face à l'Etat. Toute loi devenant alors des fatwas, decrets religieux, à son egard ou à son encontre...
Le regard exclusiviste de la droite et d'une certaine gauche ultralaïcarde, est un terreau formidable pour les salafistes. Leur audience dans nos médias croit sans cesse. Car il n'y a dans les débats sur le sujet aucune nuance ni contradiction possible entre des athés ou apostats de l'Islam et les islamistes. Caroline Fourest l'a dénoncé suite à sa confrontation télévisuelle avec Tarik Ramadan.
Civilisation de la Peur.
Mal congénital des conservateurs.

Voici la contribution très eclairante sur ce fait par Dounai Bouzar publiée par LeMonde.fr en décembre 2009:

Le débat sur la burqa est en train de donner du pouvoir principalement à deux groupes : ceux qui la prônent et ceux qui veulent éradiquer l'islam.

Ceux qui la prônent jubilent puisque le débat public est en train de valider leur justification en tant que musulmans... Au lieu de désamorcer leur autorité en les traitant comme de simples groupuscules sectaires qui instrumentalisent la religion auprès de jeunes qui ne la connaissent pas, les voilà promus comme "musulmans", et même plus, comme "musulmans fondamentalistes", comme si les fondements de l'islam consistaient à enfermer les femmes dans un drap noir ! Ceux qui veulent éradiquer l'islam jubilent puisque la preuve est ainsi faite : cette religion est définitivement archaïque.
Il existe bien un monde bipolaire avec d'un côté l'Occident, qui a inventé la modernité, et de l'autre côté le monde arabo-musulman, qui serait par essence incapable de produire la moindre lumière... De manière générale, la burqa vient renforcer toutes les représentations négatives sur l'islam... Et les musulmans dans leur entité sont pris la main dans le sac : on savait bien que votre Coran fourmillait de trucs ignobles sur les femmes ! Cela permet de glisser de la peur de l'islamisme à la peur de l'islam assumée.

Tous les démocrates se retrouvent coincés entre deux terreurs intellectuelles : celle des intégristes et celle de ceux qui invoquent le danger des intégristes, en évitant tout sens critique. Plus précisément, les démocrates de référence musulmane, pratiquants ou non, croyants ou non, ne savent plus comment se positionner. Face aux amalgames entre le port du foulard et celui d'une burqa, face à l'interdiction des minarets en Suisse, face aux multiples manifestations de rejets inimaginables, il y a encore quelques mois, comment faire pour prendre place dans ce débat sans tomber dans la diabolisation ou l'apologie de l'islam ?

La culture est contagieuse

Continuer ainsi à accuser les musulmans de France de ne pas faire partie de l'identité nationale, c'est avant tout ne pas faire confiance au système français ! Comment peut-on penser qu'un jeune qui a grandi depuis l'école maternelle avec Elisabeth qui ne croit pas en Dieu, avec David qui est juif et avec Marie qui est catholique, garde la même vision du monde que son cousin qui ne fréquente que des personnes qui lui ressemblent ? Ou pire, se sente proche d'Al-Qaida ? L'intégrisme n'est pas héréditaire. Et la culture est contagieuse. On regarde tous les mêmes films, on écoute tous la même musique.

Les musulmans n'aiment pas la France par hasard. Ils l'aiment parce que des hommes se sont battus pour la liberté, parce que certains sont morts pour la démocratie, parce des femmes ont lutté pour leurs droits... Et aussi pour la laïcité, qui permet à chacun de croire, de croire en ce qu'il veut, ou de ne pas croire. Et qui a décidé, un beau jour de 1905, que plus jamais personne ne pourrait décider qu'une vision du monde est supérieure à une autre...

Cette pensée unique qui existe encore dans bien des pays qui ne sont ni démocratiques ni laïques. C'est par fidélité à l'histoire française que les musulmans aiment la France. Et ils seraient très déçus si d'autres Français trahissaient cette histoire pour revenir au temps du roi, où il fallait être de sa religion pour être son sujet...

Douia Bouzar sur Lemonde.fr est anthropologue, chercheuse associée au cabinet d'études Cultes & Cultures Consulting, ancien membre du Conseil français du culte musulman (CFCM).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire