vendredi 5 juillet 2013

Le catholicisme identitaire où le péril nihiste d'une certaine Eglise

Le formol à la vertu de pérenniser  l'identité biologique d'un corps. De le figer, de le fixer chimiquement dans une solution pure, pour ne pas détériorer, altérer le corps, éviter son  pourrissement.
Mais, tout ce qui baigne dans le formol est par principe mort.  Une Eglise identitaire, ne peut que mourir, car elle ne peut refléter qu'un temps donné, un lieu donné. Elle est par principe exclusiviste et donc non universelle. Cette peur de perte d'identité est le symptôme de sa propre vulnérabilité, son ignorance et son manque de confiance envers sa propre foi, ses textes.

Dans cette séquence de querelles franco-francaises des manifestations contre le Mariage homosexuel, nous avons observé une crispation et une affirmation forte de l'identité  d'une certaine Eglise de France qui a écrasé toutes les autres opinions.
Cela s'est exprimé par:
-Un refus du dialogue sur le sujet (aucun débat au sein des paroisses, rejet systématique de tous ceux qui pensaient autrement, même les prêtres populaires comme Guy Gilbert). Ce refus de dialogue était peut-être la conséquence d'un néant intellectuel (qui sont les grands penseurs et scientifiques chrétiens qui pouvaient apporter  des éléments, proposer des chemins et rayonner au delà de leur microcosme?). 
-Un rejet de la Démocratie (chercher à faire plier la République par la Rue, déni de légitimité de l'Assemblée). Dieu  et "l'ordre Naturel" étant au dessus  des lois humaines.
-Une violence des opinions à l'encontre des homosexuels et leurs enfants.
Le simplisme et l'essentialisme de ces slogans ou doctrines morales, ne viennent  pas uniquement des médias,  ou des vieux complots judéo-maçoniques, cherchant à détruire les valeurs de la "Fille ainée de l'Eglise", et dénaturer "l'ordre naturel" du monde (opinions que j'entends fréquemment dans ce milieu, la réflexion ne dépassant souvent guère le stade du slogan, tout en ayant la conviction de la supériorité  et de la Vérité absolue).
  
Les crispations et replis de chaque culture ou religion expriment systématiquement par la peur de l'autre, la peur de soi, et par un cri puissant, en fait, l'expression de son dernier souffle. Les fondamentalismes sont des nihilismes qui s'ignorent (je pense aux traditionalistes et fondamentalistes de toutes les confessions).
La Crainte du Monde succède à la crainte de Dieu d'autrefois en Occident. Ce Monde actuel serait cette Altérité diluant les identités des religions et des cultures.
 (référence aux extrémismes de Droites et Gauches). Il est aussi la fin du pouvoir des religions sur les âmes dans le fantasme d'un Relativisme contemporain éradiquant le pouvoir des "Vérités Universelles" religieuses et naturelles (référence au repli de "l'intelligent design").

Le catholicisme identitaire dans la peur de l'altérité et l'incapacité à appréhender  la complexité du monde, se replie dans un cri d'effroi. L'effroi c'est l'ultime expression devant la mort!

Il faut pour nous autres qui avons une approche différente de ces manifestants, pardonner les  dérives de cette Eglise intransigeante, pour ne pas rajouter de la division. Et,  comme Mrg Dagens, après la violence intrinsèque de la Rue, cette rue qui à volontairement nié, rejeté l'altérité  au sein de son Eglise même, tendre la main et proposer ce dialogue refusé. Avoir le courage de continuer à proposer un autre regard sur notre commune Humanité. Confiant envers le monde qui vient et fidèle aux sources de nos textes.

D'autres témoignages dans l'article de Stephanie le Bars, Le Monde du 25 Mai 2013


« Nous devons être au milieu des gens, les témoins pacifiés du Tout-Puissant, des hommes sans convoitises ni mépris, capables de devenir réellement leurs amis ».

Citation d'Eloi Leclerc. Faisant parler St François dans "Sagesse d’Un Pauvre"( page 139, Desclée de Brouwer). 




Le catholicisme intransigeant, une tentation permanente, par Mgr Dagens

Un certain nombre de catholiques français, qu’il ne faut pas confondre avec l’Église catholique qui est en France, sont, sans le savoir, fidèles à une tradition qui vient de très loin, bien avant la Révolution française. Ils se laissent déterminer de l’extérieur, par ce que le général de Gaulle appelait les « circonstances » de la vie politique. Ils sont pris dans des rapports de force qui leur échappent, mais en fonction desquels ils rêvent d’affirmer leur identité, de façon militante, soit en se défendant contre ceux qui les contestent, soit en participant à des manœuvres offensives, espérant retrouver ainsi des positions dominantes dans notre société.
Cette posture militante, cette culture de combat n’est pas nouvelle. Elle correspond à cette longue tradition qu’Émile Poulat, René Rémond et bien d’autres historiens ont désignée comme celle du catholicisme intransigeant qui s’est développée tout au long du XIXe  siècle, pour résister à tous ceux qui semblaient hostiles à l’autorité de l’Église. Cette interminable guerre des deux France s’appuyait sur des idéologies consistantes, d’un côté celle qui inspirait le parti clérical, et de l’autre celle qui accompagnait la naissance et l’affirmation du projet laïque.
On peut toujours rêver de réveiller ces vieilles querelles, en invoquant d’un côté le programme de l’Action française de Charles Maurras et de l’autre les réalisations de Jules Ferry ou les idées de Ferdinand Buisson, sans parler de la rivalité entre les curés et les instituteurs. Mais c’est peine perdue. Parce que les idéologies qui soutenaient ces projets politiques sont mortes et que personne ne peut les ressusciter, à moins de faire le choix, du côté catholique, d’un enfermement dans des réseaux serrés qui se réclameraient d’une foi pure et dure et, du côté laïque, de la remise en valeur d’une morale fondée sur des valeurs abstraites.
(...)
Quant aux responsables de l’Église catholique en France, dont je suis solidaire, ils seraient mal inspirés s’ils cherchaient à prendre en marche le train des poussées politiques, en essayant de faire plaisir aux ultras et aux autres. Si cet opportunisme l’emportait, il faudrait en payer le prix dans quelques années. Je suis préoccupé, parce que j’ai parfois l’impression que la joie provoquée par l’élection du pape François est estompée par les crispations actuelles et que la référence à la simplicité et à la force de l’Évangile s’atténue !(...) Ce n’est pas de calculs politiques que nous avons besoin, c’est du courage d’être nous-mêmes, des disciples et des témoins de Celui qui est venu pour « chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10) et aussi pour « réunir les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,52).

Mgr Claude DAGENS, évêque d’Angoulême, de l’Académie française  

Une remarquable synthèse sur ce sujet  se trouve sur le site "Penser le genre catholique" qui met en perspective la lettre de Mrg Dagens,  avec:
un édito de Bruno Frappat dans La Croix:
"L’Église s’est beaucoup avancée sur ce dossier. Ses raisons ne sont pas secondes ni injustifiées. Mais en laissant les fidèles se faire approcher par les sirènes politiciennes des droites, et cheminer en traînant dans leur sillage les brigades de l’ultra-droite (quitte à se pincer le nez), elle a pris un risque. Elle a accompagné, sans se rendre compte ni évidemment le vouloir, un « retour du refoulé » de l’homophobie (celle-ci s’étale sans honte sur les forums de l’Internet). Elle a pris le risque d’être instrumentalisée par des officines plus proches de l’intégrisme que de la fidélité à Rome. Surtout, elle aura fourni mille et un arguments aux anticatholiques primaires qui, depuis des lustres, trouvent en elle l’incarnation de la réaction."
 et une interview de Jean-Louis Bourlanges:
"Il y a quand même un très grand précédent historique qui doit nous hanter : c'est celui de l'Affaire Dreyfus. Au moment de l'Affaire Dreyfus, la droite opportuniste, républicaine et modérée (...) était partie pour diriger le pays jusqu'en 1914. Et l'Affaire Dreyfus, qui est quand même un fait divers, a cassé complètement ce mécanisme. Une partie de la droite s'est mise dans une espèce de réaction pour l'Armée, pour l'Église, contre les juifs, sur le fond d'anti-modernisme du pape. Ils se constitués. Du coup, le parti au pouvoir opportuniste s'est rompu (...) et la gauche a dominé la vie politique française pendant 15 ans. Mais cette cassure sur l'Ordre moral c'est un vieux démon de la droite depuis 1830, depuis l'Affaire Dreyfus et qui ré-apparaît aujourd'hui sans qu'il soit possible d'en mesurer les conséquences..."

Voici pour finir des propos lus et entendus durant ces manifestations:
«Ce qui se passe aujourd’hui est aussi grave que ce qui a été fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est pas pire d’obliger quelqu’un à porter une étoile jaune que de priver un enfant d’un papa et d’une maman»«même si on n’a rien contre les homosexuels». «Il est inconcevable que des personnes stériles de fait puissent se marier et demander des enfants» le mariage, c’est «l’union entre un homme et une femme en vue de procréer» il faut défendre «l’ordre naturel»

Pourquoi, en tant que catholique, il me semble impossible de participer à la manifestation dite « mariage pour tous »

Je publie cette lettre du blog "Baroque et Fatigué" à laquelle j'adhère pleinement.
L'essentialisme et le simplisme des cris de la rue catholique ont fait un mal fou à l'image de l'Eglise, son humanisme et sa diversité. Refusant le dialogue, celle-ci,  doit aujourd'hui accepter la légitimité de la République, et écouter les voix  de sa famille, comme Monseigneur Dagens et  d'autres personnalités qui se réveillent enfin. 

1. Parce que certains d’entre nous ont participé à la manifestation du 31 janvier 1999 contre le PACS, et que contrairement à ce que nombre d’évêques et de personnes autorisées prévoyaient à l’époque, les fondements de la société n’ont pas été ébranlés, les droits des enfants n’ont pas été bafoués. Chaque année, il y a un divorce pour deux mariages, contre une rupture de PACS pour six PACS conclus. Et un tiers des PACS rompus le sont parce que les pacsés… se marient.
2. Parce que l’homosexualité telle que nous la voyons autour de nous n’a rien à voir avec celle qui est condamnée dans l’Ancien Testament, ni avec celle que réprouve saint Paul. Il ne s’agit pas de pédérastie ou d’exploitation sexuelle des esclaves comme c’était souvent le cas de l’Antiquité ; il ne s’agit pas de la pure et simple satisfaction de besoins sexuels ou affectifs. Nous voyons autour de nous des couples homosexuels stables, fidèles, aimants, et qui ont une très réelle fécondité au sein de notre société. Cela doit nous amener à changer le regard que nous portons encore trop souvent sur les personnes homosexuelles – beaucoup d’entre nous l’ont déjà fait, et que personne ne se sente ici accusé d’homophobie – mais aussi à revoir un cadre législatif qui ne permet pas de prendre en compte leur situation de façon appropriée.
3. Parce qu’en dépit de ces changements, l’Église n’a pas modifié sensiblement le discours qu’elle tient sur l’homosexualité, qu’elle tient, dans les documents publiés par le Saint-Siège comme dans les déclarations de beaucoup de ses pasteurs, un discours trop souvent blessant, et qui traduit, aux yeux de beaucoup d’entre nous, une grande méconnaissance de l’homosexualité, et l’insuffisance de sa réflexion sur ce sujet. Il aurait sans doute été préférable que notre Église ne s’implique pas à ce point dans ce débat avant d’avoir réfléchi en profondeur à la validité de son enseignement ; nous sommes tous responsables de cet état de fait. Il y a une distinction à faire entre la Vérité que nous avons pour vocation d’annoncer au monde, et ce qui n’est peut-être qu’une mauvaise habitude de pensée, une tradition obsolète. Il est décevant que les médias catholiques ne donnent la parole qu’à des « experts » dont la compétence est plus que discutable, comme Philippe Ariño (dont le parcours personnel est tout à fait respectable, mais qui explique l’homosexualité masculine par un fantasme de viol, ce qui est pour le moins  réducteur) ou Tony Anatrella (qui, pour résumer, réduit l’homosexualité à un narcissisme et à une immaturité affective, ce qui traduit une profonde méconnaissance du sujet), et qu’en parallèle on s’intéresse si peu aux études de genre, caricaturées en une « théorie du genre » qui n’existe que pour ceux qui en ont peur.
4. Parce que le caractère « intrinsèquement désordonné » (c’est l’expression du Catéchisme de l’Église catholique) d’un acte sexuel entre deux hommes ou deux femmes, à ce qu’il me semble, n’a précisément rien à voir avec la Vérité, et tout avec des habitudes de pensée, des traditions auxquelles nous pourrions renoncer sans dommage. Je ne répèterai jamais assez cette citation de François Mauriac : « Le Christ, dans son enseignement, paraît ne s’être jamais inquiété de nos goûts singuliers. Il ne lui importe aucunement de connaître les bizarreries de nos inclinations. Son exigence, sa terrible exigence, et qui est la même pour tous, c’est que nous soyons purs, c’est que nous renoncions à notre convoitise quel qu’en soit l’objet La réprobation du monde à l’égard de l’homosexualité, et qui est d’ordre social, n’offre aucun caractère commun avec la condamnation que le Christ porte contre toutes les souillures, ni avec la bénédiction dont il recouvre les cœurs qui se sont gardés purs : Beati mundo cordes quoniam ipsi Deum videbunt. »
5. Parce que la loi sur le mariage pour tous me semble contribuer au bien commun. Elle permettra à des couples qui souhaitent donner un cadre juridique à leur union de le faire dans les mêmes conditions que les autres. Nous n’avons aucune raison de juger a priori leur attachement superficiel ou insincère. Nous n’avons aucune raison de refuser à deux personnes de même sexe formant un couple de se transmettre leur patrimoine dans les mêmes conditions que les autres, de tisser entre elles la même solidarité que celle qui peut unir les autres. Quand la situation se présente, nous n’avons aucune raison de leur refuser d’élever ensemble des enfants dans les mêmes conditions que les autres. Le fait d’élever un enfant, d’être son père ou sa mère, n’a jamais été, dans aucune société humaine, consubstantiellement lié au fait d’avoir participé à sa conception. On ne saurait parler à ce sujet de mensonge (outre que ce terme est profondément blessant) – ou alors les parents célibataires sont des menteurs, les parents divorcés sont des menteurs, les parents qui adoptent sont des menteurs, ce qui fait beaucoup de menteurs.
6. Parce que les arguments présentés par ceux qui parlent de la famille nucléaire (ou « un papa, une maman, un ou plusieurs enfants ») comme d’un modèle unique, exclusif et indépassable me semblent faibles. L’histoire des sociétés humaines montre que ce modèle n’est ni plus « universel », ni plus « naturel » qu’un autre. L’Église elle-même a toujours reconnu la diversité des états de vie : mariage, célibat, vie consacrée, sacerdoce, vie religieuse communautaire. À cet égard, les couples homosexuels ne me semblent pas représenter un bouleversement majeur ; il suffit d’en connaître quelques-uns pour saisir à quel point ce qu’ils vivent ressemble profondément à ce que vivent les couples hétérosexuels. Quant à vouloir préserver l’institution du mariage de tout changement : on oublie un peu vite qu’il n’y a pas si longtemps, se marier, c’était débuter une vie commune avec quelqu’un qu’on avait rarement choisi – vie commune marquée par la domination de l’un des deux membres du couple sur l’autre. (Je ne crois pas qu’il y ait eu, en ce temps, de grandes manifestations contre le mariage tel qu’il était). Pour autant qu’il soit possible d’en juger au for externe, de ce mariage et de celui de deux personnes homosexuelles aujourd’hui, lequel vous paraît le plus éloigné d’un hypothétique modèle d’union chrétienne ? Il me semble que la question mérite d’être posée.
7. Parce que la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) sont des problèmes bien distincts de celui du mariage pour tous. Si l’Église ne considère pas la plupart des formes de procréation médicalement assistée comme moralement acceptables, c’est pour des raisons qui s’appliquent tout autant à un couple hétérosexuel qu’à un couple homosexuel. Il aurait pu être pertinent de mettre un million de personnes dans la rue lorsque la fécondation in vitro (et la production d’embryons surnuméraires qui y est hélas associée) a été autorisée : il est étrange de ne s’en préoccuper à ce point – même si je n’ignore pas toutes les actions entreprises par des catholiques pour combattre cette pratique – qu’à l’heure où les couples homosexuels pourraient y avoir accès. Quant à la gestation pour autrui, elle n’est à l’heure actuelle pas légale en France, que le couple intéressé soit homosexuel ou hétérosexuel. La plupart des couples qui recourent à ce procédé dans les pays qui l’autorisent sont hétérosexuels. Bref, s’il y a un risque de reconnaissance d’un « droit à l’enfant », c’est un problème global, c’est le problème de tous les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, et stigmatiser les couples homosexuels comme nécessairement « égoïstes » dans leur désir d’enfant est injuste et mensonger.
8. Parce que je crois que les personnes homosexuelles sont, comme chacun d’entre nous, appelées à la sainteté, et qu’avoir la possibilité de se marier les aidera à être toujours plus aimantes, heureuses et fidèles, ce dont un catholique, à ce qu’il me semble, ne peut que se réjouir. Leur permettre de faire ce choix, ce n’est pas manquer de reconnaissance à nos parents et éducateurs ; cela n’a rien de contradictoire avec les choix que nous avons faits, si différents qu’ils puissent nous paraître. Pour toutes ces raisons, en tant que catholique, il me semble impossible de manifester le 13 janvier, et je me permets de vous faire une proposition alternative : prier pour que, si la loi est votée, les couples homosexuels qui choisiront de se marier civilement en tirent tout le bien possible.
4 janvier 2013