vendredi 5 juillet 2013

Le catholicisme intransigeant, une tentation permanente, par Mgr Dagens

Un certain nombre de catholiques français, qu’il ne faut pas confondre avec l’Église catholique qui est en France, sont, sans le savoir, fidèles à une tradition qui vient de très loin, bien avant la Révolution française. Ils se laissent déterminer de l’extérieur, par ce que le général de Gaulle appelait les « circonstances » de la vie politique. Ils sont pris dans des rapports de force qui leur échappent, mais en fonction desquels ils rêvent d’affirmer leur identité, de façon militante, soit en se défendant contre ceux qui les contestent, soit en participant à des manœuvres offensives, espérant retrouver ainsi des positions dominantes dans notre société.
Cette posture militante, cette culture de combat n’est pas nouvelle. Elle correspond à cette longue tradition qu’Émile Poulat, René Rémond et bien d’autres historiens ont désignée comme celle du catholicisme intransigeant qui s’est développée tout au long du XIXe  siècle, pour résister à tous ceux qui semblaient hostiles à l’autorité de l’Église. Cette interminable guerre des deux France s’appuyait sur des idéologies consistantes, d’un côté celle qui inspirait le parti clérical, et de l’autre celle qui accompagnait la naissance et l’affirmation du projet laïque.
On peut toujours rêver de réveiller ces vieilles querelles, en invoquant d’un côté le programme de l’Action française de Charles Maurras et de l’autre les réalisations de Jules Ferry ou les idées de Ferdinand Buisson, sans parler de la rivalité entre les curés et les instituteurs. Mais c’est peine perdue. Parce que les idéologies qui soutenaient ces projets politiques sont mortes et que personne ne peut les ressusciter, à moins de faire le choix, du côté catholique, d’un enfermement dans des réseaux serrés qui se réclameraient d’une foi pure et dure et, du côté laïque, de la remise en valeur d’une morale fondée sur des valeurs abstraites.
(...)
Quant aux responsables de l’Église catholique en France, dont je suis solidaire, ils seraient mal inspirés s’ils cherchaient à prendre en marche le train des poussées politiques, en essayant de faire plaisir aux ultras et aux autres. Si cet opportunisme l’emportait, il faudrait en payer le prix dans quelques années. Je suis préoccupé, parce que j’ai parfois l’impression que la joie provoquée par l’élection du pape François est estompée par les crispations actuelles et que la référence à la simplicité et à la force de l’Évangile s’atténue !(...) Ce n’est pas de calculs politiques que nous avons besoin, c’est du courage d’être nous-mêmes, des disciples et des témoins de Celui qui est venu pour « chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10) et aussi pour « réunir les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,52).

Mgr Claude DAGENS, évêque d’Angoulême, de l’Académie française  

Une remarquable synthèse sur ce sujet  se trouve sur le site "Penser le genre catholique" qui met en perspective la lettre de Mrg Dagens,  avec:
un édito de Bruno Frappat dans La Croix:
"L’Église s’est beaucoup avancée sur ce dossier. Ses raisons ne sont pas secondes ni injustifiées. Mais en laissant les fidèles se faire approcher par les sirènes politiciennes des droites, et cheminer en traînant dans leur sillage les brigades de l’ultra-droite (quitte à se pincer le nez), elle a pris un risque. Elle a accompagné, sans se rendre compte ni évidemment le vouloir, un « retour du refoulé » de l’homophobie (celle-ci s’étale sans honte sur les forums de l’Internet). Elle a pris le risque d’être instrumentalisée par des officines plus proches de l’intégrisme que de la fidélité à Rome. Surtout, elle aura fourni mille et un arguments aux anticatholiques primaires qui, depuis des lustres, trouvent en elle l’incarnation de la réaction."
 et une interview de Jean-Louis Bourlanges:
"Il y a quand même un très grand précédent historique qui doit nous hanter : c'est celui de l'Affaire Dreyfus. Au moment de l'Affaire Dreyfus, la droite opportuniste, républicaine et modérée (...) était partie pour diriger le pays jusqu'en 1914. Et l'Affaire Dreyfus, qui est quand même un fait divers, a cassé complètement ce mécanisme. Une partie de la droite s'est mise dans une espèce de réaction pour l'Armée, pour l'Église, contre les juifs, sur le fond d'anti-modernisme du pape. Ils se constitués. Du coup, le parti au pouvoir opportuniste s'est rompu (...) et la gauche a dominé la vie politique française pendant 15 ans. Mais cette cassure sur l'Ordre moral c'est un vieux démon de la droite depuis 1830, depuis l'Affaire Dreyfus et qui ré-apparaît aujourd'hui sans qu'il soit possible d'en mesurer les conséquences..."

Voici pour finir des propos lus et entendus durant ces manifestations:
«Ce qui se passe aujourd’hui est aussi grave que ce qui a été fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est pas pire d’obliger quelqu’un à porter une étoile jaune que de priver un enfant d’un papa et d’une maman»«même si on n’a rien contre les homosexuels». «Il est inconcevable que des personnes stériles de fait puissent se marier et demander des enfants» le mariage, c’est «l’union entre un homme et une femme en vue de procréer» il faut défendre «l’ordre naturel»

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